Lettre à un ami : « 2038 »

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Mon cher ami,

Fasciné par les changements en cours, un peu inquiet pour mes petits-enfants, je me projette souvent dans l’avenir, m’efforçant d’imaginer à quoi ressemblera la vie dans les prochaines décennies. Les rêveries de mes siestes ou les rêves de mon sommeil paradoxal sont parfois paradisiaques, mais souvent cauchemardesques.

C’est ainsi que je me suis retrouvé récemment en septembre 2038 le jour de mon anniversaire, cent ans, entouré de ma famille et quelques amis ! Cent bougies que je parvins à souffler grâce à la pratique assidue de mon tapis de marche robotisé, mais aussi les nombreux implants dont je me suis équipé à l’occasion des épreuves réservées aux plus de 80 ans aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Mon arrière-petit-fils Édouard âgé de 37 ans était venu tout exprès de Shanghai, par le nouveau vol-fusée de 30 minutes, avec sa femme chinoise et leur fils de 13 ans, un extra-terrestre pour moi totalement incompréhensible !

L’Europe de 2038 a perdu pied face à la Chine et à l’Amérique et se trouve ainsi reléguée dans le club des pays retardataires, ceux qui n’ont pas pu ou voulu s’adapter à l’ère de l’intelligence artificielle. Le développement rapide de celle-ci a provoqué l’engouement des plus forts et la peur panique des plus faibles. Les uns ont fait un gigantesque bond en avant, les autres ont régressé. L’Europe de 2038 c’est un grand et beau musée, doublé d’une magnifique base de loisirs pour les touristes biologiquement connectés venus du monde entier. Édouard et sa famille voient l’Europe du même œil que nous regardions la brousse africaine dans notre jeunesse.

Le monde de 2038 n’est pas mené, dirigé, gouverné par les gouvernements nationaux, réduits à une portion congrue à cause de leurs horizons trop étriqués et leurs manques de vision à long terme. Ce sont les grandes entreprises du numérique qui ont pris le pouvoir, fournissant à leurs « adhérents » quel que soit le territoire où ils vivent les indispensables services de santé, éducation, sécurité, assurances, banques.

Les GAFAM et quelques milliardaires américains puis leurs équivalents chinois ont eu des ambitions claires et assumées : augmenter l’homme, son potentiel, sa santé, sa longévité. Ils y sont en partie parvenus : la durée de vie moyenne en bonne santé a significativement augmenté grâce à la fusion en cours des machines avec l’être humain. La conquête d’autres planètes va bientôt permettre à l’homme de se répandre dans l’univers à la recherche de ressources nouvelles.

Autour de ma table d’anniversaire, on commente abondamment les performances des deux fournisseurs de systèmes sous-marins, l’américain Subcom et le chinois Huawei, servant chacun leurs fournisseurs de contenus ! Mais on se réjouit de la place qu’a su préserver notre activité. Des milliers de microsatellites assurent dorénavant l’essentiel des trafics régionaux, mais deux réseaux denses de super autoroutes, truffées d’intelligence, l’un américain et l’autre chinois, se toisent et s’entrecroisent au fond des océans, outils essentiels de ces deux superpuissances globales.

Elaine Stafford et Jayne Stowell, les deux grandes dames de l’activité, toujours très alertes, apprécient ces discussions, mais encore davantage mon St Emilion préféré et se réjouissent avec moi que le nouveau propriétaire chinois de ce « grand cru » ait su lui garder toutes ses saveurs.

Dans mes rêves les plus fous et les plus pessimistes, les grands vins de Bordeaux et les fibres optiques sous marines continuent à jouer un rôle essentiel !

Ouf… ainsi va le monde de 2038 !


Jean Devos
AQEST Senior Advisor


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