Lettre à un ami :
« Insondables Japonais »


Mon cher ami japonais,

Je t’écris juste avant mon voyage dans ton pays pour SubOptic 2010. Je suis tout excité ! Mon objectif n'est rien moins que de comprendre, enfin, ces « insondables Japonais». J'ai passé une bonne partie de ma vie professionnelle à m’occuper du Japon tout en essayant de trouver la clé du mystère ! Ceci est ma dernière chance ! Si Yokohama m'apporte la lumière que je cherche, je te le ferai savoir.

Pourquoi le Japon, dans l'industrie des câbles sous-marins, ne joue-t-il pas plus à l’échelle mondiale ? Ces 20 années dernières, ASN et Tyco ont capturé la part du lion (80%) des projets en laissant une maigre portion à l'industrie japonaise, et ce malgré les excellentes cartes en sa possession : un formidable historique dans les câbles sous-marins, une position géographique favorable, une technologie de première classe, de bonnes entreprises, des gens dévoués, une région très peuplée et riche, un marché centralisé sur l’Asie. Dès qu'un projet est un peu loin de leurs îles, les fournisseurs japonais sont absents ou peu agressifs! Et même en Asie-Pacifique, ils se montrent souvent en consortium ou en tant que sous-traitants. Cette remarque s'applique également aux opérateurs japonais qui ne semblent pas non plus avoir des ambitions mondiales ! En ce moment, tout le monde est grandement impliqué dans l'Afrique, mais pas les Japonais.

Je t’ai souvent dit, mon ami, que les fournisseurs japonais devraient créer une solution unique en concurrençant, sur un pied d'égalité, ASN et Tyco. La compétition NEC-Fujitsu semble concentrer tous leurs efforts et leur énergie, de capter toute leur attention. Comme tous les conflits familiaux, une telle situation évolue rapidement de « fraternel » à « fratricides » ! Et les « autres » ont seulement besoin de jouer avec cela, apportant leur propre carburant au feu ! Tu conviendras que cette concurrence intérieure a été préjudiciable au Japon, mais tu continues à me dire qu'il n'y a pas de solution à cela !

Il y a probablement des raisons plus profondes derrière cela et la réponse se trouve probablement quelque part dans la culture japonaise ! Le Japon est une île sujette à de violents orages, séismes et autres risques naturels. Le succès n'est jamais sûr ! Demain peut être pire ! Tout est fragile et éphémère. La priorité est donc à la survie et à tenir le coup avec « mon » petit champ de riz ! « Asu no yori hyaku, kyou ga fuku », semblable à l'expression française « Un tiens vaut mieux que deux, tu l'auras ». En d'autres termes « mieux 50 aujourd'hui que 100 demain ». Est-ce l’explication ? Probablement trop simple !

Une pensée plus subtile qui vient de s’offrir à moi suite à un livre que j'ai lu à plusieurs reprises en anglais mais avec un grand plaisir : « Snow Country » par Yasunari Kawabata. Avec plaisir certes, mais avec le sentiment étrange que ce qui doit être compris n'est pas « évident » et se situe quelque part entre les lignes. « Snow Country » se situe dans la partie ouest des montagnes centrales du Japon, la région la plus enneigée dans le monde, mais le livre présente une vie dissociée du temps pendant ces longs mois enneigés. L'auteur est dans la ligne des maîtres «haïku», ces minuscules poèmes de dix-sept syllabes qui cherchent à véhiculer une soudaine prise de conscience de la beauté par un accouplement de termes opposés ou incongrus. Un peu comme notre oxymore. Il continue de mélanger le mouvement et l'immobilité, comme, par exemple, « le silence hurlant d'une nuit d'hiver ». Ca y est ! L'industrie du câble sous-marin japonais vit dans le « pays des neiges », s'adressant au marché mondial dans une « ruée lente », se contentant d'une « maigre abondance » !

J'ai hâte d’écouter le discours de l’honorifique Dr Yoshio Utsumi, dont le titre a attiré mon attention « Les insondables Japonais ». Je lis dans le programme SubOptic :

« Il est souvent difficile pour les étrangers de comprendre les Japonais et la société japonaises sans avoir d'abord une connaissance de base du Japon et de sa culture. [...] Le monde des câbles sous-marins de télécommunication et l’industrie des télécommunications en général possèdent des acteurs venant d’horizons culturels, politiques et ethniques variés. Il est donc à espérer que la présentation de M. Utsumi ne sera pas seulement intéressante et stimulante, mais qu’elle pourra aider certains participants à adapter leur approche des relations internationales pour parvenir une plus grande réussite. »

Mon cher ami, plus important encore, j'espère sincèrement que le Dr Utsumi va t’expliquer, à toi qui es japonais, comment « adapter ton approche des relations internationales pour parvenir à une plus grande réussite »!


Jean Devos
Submarcom Consulting
AQEST Senior Advisor


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